Lorsque le petit bolide rutilant The Cars effectue son premier tour de piste éponyme en 1978, il manque de peu de faire avaler de travers sa bière tiède à toute l’intelligentsia New Wave du moment. Alors en pleine frénésie crispée post punk, la scène rock est mortifiée par l’inconséquence de ces bagnoles un brin putassières, de leurs combinaisons mélodiques mi-binaires, mi-sophistiquées, calibrées sous haute perfusion Roxy Musicale pour la bande FM.

Car si oui, synthétiseurs il y a chez The Cars, il est surtout manifeste que ces quatre jeunes garçons blafards et leur grande gigue de leader ont passé une grande partie de leur puberté à vénérer les grands pontes du rock’n’roll. Une leçon bien apprise et régurgitée version pop glam synthétique, imbibée de riffs jouisseurs : autant dire une hérésie, à l’heure où l’amertume punk a muté en cérébralité post punk, avant de muer de nouveau en neurasthénie new wave. The Cars matérialise sa propre version bubblegum du genre, bientôt considérée archétype du pendant US du mouvement. Exit les rejetons arty Talking Heads, Devo et consorts, la survivance populaire sera accordée à Ric Ocasek et sa bande, plus accessible.

Mais ne résumer The Cars qu’à une série de tubes simplistes ficelés pour les masses ne serait pas leur rendre justice car, derrière une apparente désinvolture – Let The Good Times Roll semble faire ostensiblement affront au fameux slogan No Future, pendu à toutes les lèvres transpercées par l’épingle à nourrice craspec de maman l’année précédente – se cache une écriture élégante, bien plus subtile qu’il n’y parait. Sous la légèreté et l’humour pointent souvent pessimisme et mélancolie – les grises eighties approchent alors à grands pas, ne l’oublions pas.

Un rock glamour majoritairement porté par la voix acide d’Ocasek – qui laisse de temps à autre le micro à la gueule d’amour détachée Benjamin Orr – qui n’oublie pas de s’approprier l’urgence excitée laissée derrière eux par les punks, emballé comme il se doit par Roy Thomas Baker, spin doctor du rock grandiloquent de Queen. La New Wave de The Cars trouve immédiatement sa place dans les charts, et, consécration ultime, l’album est couronné disque de platine quelques mois après sa sortie.

Masterisée à partir des bandes analogiques originales, notre édition vinyle numérotée permet l’appréciation totale de cet album délicieusement accrocheur, à la fois excentrique et accessible, énervé et élégant, familier et expérimental.

-★- TRACKLIST -★-

1. Good Times Roll
2. My Best Friend’s Girl
3. Just What I Needed
4. I’m in Touch With Your World
5. Don’t Cha Stop
6. You’re All I’ve Got Tonight
7. Bye Bye Love
8. Moving in Stereo
9. All Mixed Up