Cinématographique à souhait, The Genius After Hours titille l’imagination. On se figure Ray Charles, dans l’atmosphère moite et feutrée d’un club de jazz aux petites heures de la nuit. Cravate desserrée, tempes humides, les doigts, bien qu’engourdis par une session musicale extensive et ardente, se baladant frénétiquement sur l’ivoire patinée des touches de son piano rutilant, comme possédés par l’euphorie de la musique. Son big band est derrière lui, yeux mi-clos, chemises détrempées par la sueur, dodelinant de la tête : la communion est parfaite. Et nous voilà comme les témoins virtuels et privilégiés d’un instant suspendu, intime et débridé comme seul le bout de la nuit sait en matérialiser. Et bien qu’on lui en ai un peu voulu, l’espace d’un instant – nous sommes humains après tout – de nos priver de sa voix magique, force est de constater que l’esprit sémillant du bonhomme résonne dans chacune des notes tantôt jazz tantôt blues qui composent cet album. Une oeuvre magistrale, aujourd’hui idéalement palpable grâce à une édition SACD MoFi immaculée, masterisée à partir des bandes originales, tirées du même triptyque de sessions studio qui ont donné naissance à l’album The Great Ray Charles. 

Un retour aux sources pour Charles, rompu à l’exercice des nuits fiévreuses des bouges de Seattle des années durant. Il n’y a bien qu’au Genius qu’une maison de disque – d’ordinaire plus incline aux spéculations froides qu’au bien être artistique de ses pensionnaires – autoriserait de telles escapades artistiques au potentiel lucratif incertain. Mais n’est pas Ray Charles qui veux, et ça, Atlantic Records en a bien conscience. Étant donné le petit miracle qu’est cet album, autant dire que le label n’a eu à souffrir d’aucun remord. En bonne compagnie – ses collaborateurs de prédilection, Quincy Jones à la production, David « Fathead » Newman au saxo, le trompettiste Joseph Bridgewater et le bassiste Oscar Pettiford, sont tous de la partie – le génie s’éclate, et insuffle standards hard bop et rythmes be bop swinguants de sa désinvolture charmante. La signature d’un grand Monsieur de la musique, de toute les musiques. 

-★- TRACKLIST -★-

1. The Genius After Hours
2. Ain’t Misbehavin’
3. Dawn Ray
4. Joy Ride
5. Hornful Soul
6. The Man I Love
7. Charlesville
8. Music, Music, Music