Bien malin celui qui aurait pu prédire le succès de Randy Travis lors de la sortie de Storms Of Life. Au milieu des années 80, alors en pleine phase neurasthénique, le mouvement country est à l’agonie, et même les membres éminents de sa royauté, Johnny Cash et Loretta Lynn en tête, peinent à réveiller les foules. Et voilà ce blanc-bec vaguement séduisant débarqué de sa Caroline du Nord natale à Nashville en 82, se réclamant du renouveau traditionalisme country, qui casse soudainement la baraque.

Enfin, soudainement, pas vraiment. Il s’est d’abord fait sèchement jeté par tous les labels qu’il a sollicités, avant de décrocher, après un long harcèlement en bonne et due forme, un contrat chez Warner Bros Records. Et puisque, vous l’aurez compris, le type est plutôt du genre insistant, il n’allait pas se laisser découragé par le succès très mitigé de son premier single enregistré pour le label, On The Other Hand, et décide de l’incorporer quatre ans plus tard à la track list de son premier véritable album. Et force est de constater que Travis a eu le nez creux, puisque celui-ci se trouve alors propulsé en tête des charts.

Mais au delà de cette résilience qui force le respect, il y a évidemment une voix impeccable, parfaitement sertie dans la production de Kyle Lehning, à contre-pied du moule country-pop moelleux de l’époque. Autour du futur joli coeur de la country, Jerry Douglas à la guitare, Mark O’Connor au fiddler, Eddie Bayers à la batterie et David Hungate à la basse : de quoi sacrément crédibiliser ce jeune premier sorti de nulle part. Antithèse d’un Sinatra ou d’un Hank Williams, Travis à la présence d’esprit de se montrer modeste, d’accompagner la virtuosité paisible des instrumentaux avec une force tranquille, presque nonchalante, et un savant mélange de honky tonk, de country western et de ballades, prêt à faire se pâmer les country girls de tout le pays.

Randy Travis, pourtant encore jeunot – il a à peine 27 ans – ne se laisse jamais voler la vedette par ces mélodies taillées pour le succès, et évoque les affres de la vie et de l’amour avec une maturité surprenante. On The Other Hand aborde intelligemment le déchirement de l’infidélité, quelque part entre tendresse et douleur, là où l’écartèlement de l’amoureux déçu est le plus intense – partir ou pardonner? – alors que Reasons I Cheat inverse cruellement les rôles sans chercher à excuser les exactions adultérines du protagoniste. Le fort bien nommé Storms of Life s’intéresse donc largement et avec subtilité à la condition humaine : Diggin’up Bones et ses accents de chorale, ou encore la sentimentale et triste No Place Like Home conjurent les relations brisées, la pudique 1982, elle, se languit d’un amour perdu. Durant 32 minutes, Randy Travis explore les espoirs, les regrets et les ruminations qui ponctuent l’existence, avec une spontanéité raffinée toujours inégalée sur la scène country actuelle.

Masterisée à partir des bandes maîtresses analogiques originales, pressée sur vinyle ultra-mutique chez RTI et éditée en partenariat avec Warner Nashville pour commémorer le 35ème anniversaire du disque, l’édition vinyle 180 g numérotée Mobile Fidelity de Storms Of Life est la première réédition audiophile mettant en lumière la country contemporaine. Présenté dans une pochette avec une illustration inédite, l’album quadruple platine bénéficie désormais d’une transparence exceptionnelle, d’une clarté à couper le souffle, d’une dynamique étendue et de sublimes tonalités qui permettent aux auditeurs de découvrir en toute intimité l’un des plus grands chanteurs de l’histoire country récente avec un réalisme et une ampleur inégalés.

-★- TRACKLIST -★-

Face A

1. On the Other Hand
2. The Storms of Life
3. My Heart Cracked (But It Did Not Break)
4. Diggin’ up Bones
5. No Place Like Home

Face B

1. 1982
2. Send My Body
3. Messin’ with My Mind
4. Reasons I Cheat
5. There’ll Always Be a Honky Tonk Somewhere