Le huitième album de Madame Mitchell invite au voyage. Et ce, dès son titre, ultra référencé : une translittération du terme arabe « voyage », évocation assumée du périple du prophète Mahomet de la Mecque à l’oasis de Yathrib. Une aura mystique qui se propage jusqu’à la photo ornant la pochette, présentant une Joni Mitchell élégante, à la fois ombrageuse et solaire, littéralement habitée par la route, et l’orageux lac Mendota, situé dans le Wisconsin. L’album a d’ailleurs été composé lors des tribulations initiatiques de la belle à travers les USA. Un voyage comme un moyen de se ressourcer, et de remettre les compteurs à zéro, post déboires narcotiques, énième rupture houleuse et tournée âprement avortée. Fuir et explorer le pays pour se retrouver soi-même en somme. Son hégire toute personnelle, dont elle va tirer une œuvre d’art, son album le plus intime, celui « qu’aucun(e) autre n’aurait pu écrire à sa place » dixit Joni elle même.

Un album dépouillé tel le bitume cramoisi des interminables routes américaines, parsemé de titres étirés, d’une langueur semblable à celle de l’occupant du siège passager, perdu dans ses pensées introspectives, hypnotisé par les paysages. Plus que jamais enivrée de jazz, Mitchell y invite le bassiste fretless prodige Jaco Pastorius, qui, en toute humilité virtuose, se fond dans son univers. Tous ceux qui sont de passage – Neil Young et Larry Carlton – en font de même, et se mettent au service de la dame, subjugués par sa liberté.

En vrac, Mitchell toise avec cynisme ses relations compliquées avec la gente masculine sur le titre up beat Coyote, rend hommage à une autre femme libre sur Amelia – l’aviatrice Amela Earhart – avant d’entamer un constat existentiel assez amer sur Black Crows. Elle joue les amoureuses éplorées tentant de récupérer son homme sur le très bluesy Blue Motel Room, envoûte sur Hejira, pointe du doigt le quotidien des femmes new yorkaises sur Song for Sharon… L’artiste aborde tout ce qui lui chante, et embarque l’auditeur dans un voyage qu’il n’est pas près d’oublier. Tout particulièrement une fois cette escapade expérimentée via cette ultra dévote édition SACD Mobile Fidelity tirée des bandes originales, et voulue au plus près de l’intention d’une artiste d’exception.

-★- TRACKLIST -★-

1. Coyote
2. Amelia
3. Furry Sings the Blues
4. A Strange Boy
5. Hejira
6. Song for Sharon
7. Black Crow
8. Blue Motel Room
9. Refuge of the Roads