En 77, autant se l’avouer, Eagles est rincé. Les tournées effrénées se sont enchainées – carton intersidéral d’«Hotel California» oblige – et ont laissé dans leur sillage des stigmates que le groupe a du mal à panser. Le bassiste Randy Meisner, claqué, s’est d’ailleurs fait la malle. Il est remplacé au pied levé par Timothy B. Schmit, mais la cohésion au sein des membres originels reste sérieusement gangrénée par les boursoufflures égotiques amenées par un succès phénoménal. Populaire le succès, car la critique, elle, a la dent dure. Elle déploie une énergie considérable à tenter de ringardiser le groupe, sans doute jugé trop nonchalant alors que l’âpreté punk envahit les ondes. Une équation vénéneuse se met alors en place : succéder au triomphe d’«Hotel California», rabattre le caquet des persiffleurs et raviver la flamme entre les garçons du groupe.
Il faudra d’ailleurs dix-huit laborieux mois à «The Long Run» – très justement intitulé par conséquent – pour voir le jour. Pochette noire pas franchement jouasse, et un titre final qui semble dire «okay les gars je crois que c’est fini entre nous, c’est pas vous, c’est moi, j’ai changé, je me reconnais plus, restons bon amis… », «The Long Run» est un épilogue.
Un contexte apocalyptique et déchirant donc, qui donne des allures de petit miracle rock à l’album. Même dans l’adversité, Eagles se hisse en tête des charts avec trois singles – Heartache Tonight, The Long Run, I Can’t Tell You Why. Le groupe produit un bel opus à la poésie maussade, qui ne fourvoie pas son identité musicale, et s’octroie une jolie caution cool avec In The City, composé pour la BO du cultissime The Warriors de Walter Hill.

1.  The Long Run
2. I Can’t Tell You Why
3. In the City
4. The Disco Strangler
5. King of Hollywood
6. Heartache Tonight
7. These Shoes
8. Teenage Jail
9. The Greeks Don’t Want No Freaks
10. The Sad Cafe