Stone Temple Pilots – Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop – 180g. 45RPM – 2LP

Si, comme beaucoup le pensent, le grand art est intrinsèquement clivant, alors Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop des Stone Temple Pilots peut facilement être considéré comme le meilleur album du groupe californien. À la fois célébré et critiqué lors de sa sortie au printemps 1996, le troisième album du groupe voit le chanteur Scott Weiland et ses acolytes élargir leur palette « grunge » avec un savant mélange de glam rock, de psychédélisme, de jangle pop et d’autres styles apparentés. Ayant bénéficié d’une réévaluation à long terme qui a permis d’éliminer les préjugés et la méchanceté des critiques initiales, cet album double platine est aujourd’hui largement et à juste titre considéré comme un chef-d’œuvre créatif. Raison de plus pour qu’il mérite une production de référence.

Issu des bandes analogiques originales – du master analogique 1/2” / 30 IPS au DSD 256, à la console analogique, au tour – pressé chez Fidelity Record Pressing et présenté dans une pochette Stoughton à rabat, le coffret 2 LP 45 tours 180g en édition numérotée de Mobile Fidelity présente pour la première fois Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop dans une qualité audio audiophile. Bénéficiant d’une définition exceptionnelle des sillons, d’une surface silencieuse et d’un fond noir, cette édition collector joue avec des niveaux de séparation, d’image et de dynamique qui mettent encore plus en valeur ce que le quatuor a accompli sur un album enregistré au Westerly Ranch, un vaste domaine situé au nord de Santa Barbara, en Californie. Là bas, un manoir de 2 300 m² et la propriété environnante sont devenus une toile exploratoire pour les ambitions du groupe. 

Sous la supervision du producteur Brendan O’Brien, Stone Temple Pilots a utilisé des chambres, des couloirs, des salles de bain et la pelouse pour capturer un large éventail de textures, d’espace et d’ambiance qui ont contribué à souligner la mue évidente (et quelque peu inattendue) du groupe, passant du statut « alternatif » à celui d’artistes dont les aspirations dépassaient celles de nombreux contemporains. Cette fantastique réédition permet d’entendre une multitude de détails et de tonalités avec une clarté, une présence et une ampleur jamais atteintes auparavant, ce qui lui offre l’impact et la puissance que tout album rock mérite. Autre atout considérable : la profondeur, le grain et la hauteur de la voix de Weiland. 

Si tous les refrains entraînants et les mélodies brillantes contribuent à faire briller Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop, c’est les performances vocales du regretté chanteur qui priment, et elles sont sans doute les meilleures que Weiland ait jamais enregistrées. Nul autre que Billy Corgan des Smashing Pumpkins — qui, comme beaucoup de ses pairs, a ressenti le besoin urgent de réévaluer l’album à mesure que le temps passait et que l’importance accordée à la scène « alternative » s’estompait — a salué les efforts de Weiland en déclarant : « [Tout comme] Bowie, c’est le phrasé de Scott qui a propulsé sa musique dans une sphère sonore unique et difficile à cerner. »

Fluides et variés, ces traits caractéristiques sont omniprésents dans Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop. De la combinaison astucieuse de proximité émotionnelle et de distanciation qu’il apporte à la chanson entraînante mais finalement mélancolique « Lady Picture Show » ; à la ballade lounge qui fait swinguer « And So I Know » comme le dernier morceau d’un groupe en résidence  aux yeux embrumés dans un bar à 4 heures du matin ; à la décontraction naturelle et nonchalante qu’il exprime dans le morceau grinçant « Pop’s Love Suicide » ; en passant par la voix rauque, l’énergie rebelle et les cris déchaînés qui traversent le morceau crunchy « Big Bang Baby ».

Ce dernier morceau, premier single de l’album et, selon Weiland, tentative délibérée du groupe de déconstruire ses approches précédentes, s’inspire clairement de « Jumpin’ Jack Flash » des Rolling Stones. À cause de cela, la chanson a suscité toutes sortes de critiques de la part des détracteurs. Leur mépris s’étendait à la plupart des titres de Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop, qui font indirectement référence à d’autres groupes prestigieux tels que les Beatles, Cheap Trick, T. Rex et Lush. Ces cyniques n’ont pas compris que les Stone Temple Pilots rendaient hommage et s’amusaient comme des fous. Même Weiland, alors aux prises avec de graves problèmes de toxicomanie et des démêlés avec la justice, s’était joint à la fête. 

Les sceptiques ont également fait la sourde oreille quant à la qualité exceptionnelle de cet album, à ses refrains accrocheurs et à ses commentaires malicieux sur les machinations de l’industrie musicale et la célébrité. Sans parler de l’intention du groupe, clairement exprimée dès le début. Dans une interview réalisée en 1994, le guitariste Robert DeLeo déclarait : « La dernière chose que je voulais faire avec ce groupe, c’était faire croire à tout le monde que nous avions inventé quelque chose.» 

Vu sous cet angle et avec le recul que nous offre l’histoire, et apprécié indépendamment des normes d’authenticité moralisatrices de l’époque, Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop semble presque intrépide tout en cochant avec autorité toutes les cases nécessaires pour être amusant, savoureux et raffiné. À la fois clin d’œil ironique, hommage à l’ère du glitter rock et pied de nez à la foule branchée qui ne savait pas ce qu’elle manquait, ce classique du milieu des années 90 vous invite sans cesse à poser l’aiguille sur le vinyle et à appuyer sur play.