Bob Dylan – Good As I Been To You (SACD)

Trois décennies avant de publier The Philosophy of Modern Song, un ouvrage éclairant consacré à 66 chansons qui ont eu un impact sur sa carrière et sur le monde de la musique en général, Bob Dylan a sorti Good As I Been to You. Cet album méconnu de 1992, le premier album acoustique solo de Dylan depuis près de 30 ans et le premier album de reprises depuis près de 20 ans, peut être considéré comme un prélude prophétique à ce qui est devenu le célèbre dernier arc de la carrière du lauréat du prix Nobel. Il s’agit également d’une continuité passionnante du style que Dylan a adopté depuis qu’il s’est emparé d’une guitare.

Issu des bandes originales , le SACD Mobile Fidelity de Good As I Been to You révèle l’immédiateté, les détails et la nature dépouillée des sessions d’enregistrement qui ont pris place dans le garage-studio de Dylan en Californie. Simple, brut et acoustique, le disque présente un Dylan en pleine forme – et met en valeur une diversité de phrasés vocaux, d’accords soul, d’accents d’harmonica et d’ambiances en gros plan qui, sur cette réédition, émergent comme jamais auparavant.

Enregistré et mixé par Micajah Ryan, et supervisé par Debbie Gold, Good As I Been to You a pris forme au domicile de Dylan peu après que l’auteur-compositeur-interprète ait terminé des sessions à Chicago avec un groupe complet. Sans accompagnement, il s’est à nouveau tourné vers des œuvres existantes – en l’occurrence, de la musique folk traditionnelle – et, avec Gold comme conseillère, il a interprété les chansons dans plusieurs tonalités et tempos jusqu’à ce qu’il parvienne à ce qu’il souhaitait. Cette approche minutieuse, sérieuse, mais libre et organique émane de cette réédition, sur laquelle chaque note, chaque mouvement et chaque espace apparaissent de manière plus directe, plus complète et plus immédiate que sur les formats d’origine. Elle permet de tracer une ligne de démarcation avec Another Side of Bob Dylan (1964), ainsi qu’avec son successeur au thème similaire, World Gone Wrong (1993), et avec les récits immersifs du vieux monde de Tempest (2012) et de Rough and Rowdy Ways (2020).

Bien avant que Dylan ne produise ces célèbres albums du XXIe siècle, il avait besoin de trouver un moyen de sortir d’une mauvaise passe qui, à l’exception de sa collaboration de 1989 avec Daniel Lanois, Oh Mercy, l’a suivi pendant des années. L’auteur Clinton Heylin rapporte les propos de Dylan en 1997 : « Mes influences n’ont pas changé – et chaque fois qu’elles l’ont fait, ma musique s’est égarée. C’est pourquoi j’ai enregistré deux disques de vieilles chansons, afin de pouvoir revenir à la musique qui me correspond vraiment.

La vérité : Peu de concepts, si ce n’est aucun, résument mieux Good As I Been to You. Il résonne avec la même originalité, la même honnêteté, la même détermination et la même pertinence que l’Anthology of American Folk Music, qui a enflammé l’imagination de Dylan lorsqu’il était enfant dans une petite ville du Minnesota et qui, plus tard, selon le livre That Old Weird America de Greil Marcus, a inspiré les sessions Basement Tapes de Dylan et de son groupe. Ce disque contient également le type de musique que Dylan jouait lors des concerts acoustiques de sa tournée Never Ending Tour ; dans l’année qui a suivi la sortie du disque, Dylan a joué la moitié des chansons de l’album en live.

Quant à ces chansons : Les histoires, pleines de mystères, de situations ordinaires et de péripéties épiques, font appel à nos instincts les plus profonds. Leurs thèmes – la jalousie, la tentation, le sacrifice, l’amour, la vengeance, l’identité, l’opportunité – agissent à un niveau fondamentalement humain, sans tenir compte des modes, des générations ou des époques. Ils sont anciens et modernes, sérieux et comiques, transparents et déguisés, simples et complexes. Les chansons parlent de vengeance et de justice ( » Frankie & Albert  » ;  » Jim Jones « ), de romance et de tendresse ( » Tomorrow Night « ,  » Froggie Went a Courtin « ), de problèmes et d’absence de problèmes (« Hard Times », « Sittin” on Top of the World »). Elles donnent la parole aux amants méprisés et délaissés (  » Blackjack Davey « ), à ceux qui sont utilisés et à ceux qui se servent ( » Diamond Joe « ), aux puissants et aux impuissants ( » Arthur McBride « , » Canadee-I-O « ), à ceux qui sont suivis et à ceux qui sont à la traîne ( » Little Maggie « ). Et comme dans la plupart des meilleures productions de Dylan, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être.

S’étendant sur des motifs country, folk, sea shanty, bluegrass et blues, Good As I Been to You confirme à nouveau la position de Dylan en tant qu’interprète et créateur d’élite – non seulement de structures, mais aussi d’émotions. Dylan interprète les morceaux comme s’il les connaissait depuis toujours. Il joue avec un sens subtil de l’espièglerie et conserve un comportement largement optimiste ; ses yeux semblent scintiller tandis qu’il chante et gratte sa guitare. Cette guitare sert de guide pour les shuffles, les boogies, les ballades et les mess-arounds, tandis que son sens inné de l’arrangement et de la mélodie aide à déterminer le rythme, le ton et l’attaque.

Comme un grand auteur, il comprend l’importance d’adhérer à la concision, d’attirer un auditoire, de retenir son attention et de maximiser l’impact des détails, des actions et des tournures inattendues. Bien que déjà rugueuse, sa voix est idéale pour le sujet et son phrasé – de la façon intelligente dont il étire les syllabes pour souligner les significations sur les rebondissements surprenants de « Canadee-I-O » à la joie pure qu’il éprouve à chanter « rowdy-dow-dow » sur la chanson de protestation « Arthur McBride » – est remarquable.

Frankie & Albert
Jim Jones
Blackjack Davey
Canadee-I-O
Sittin’ on Top of the World
Little Maggie
Hard Times
Step It Up and Go
Tomorrow Night
Arthur McBride
You’re Gonna Quit Me
Diamond Joe
Froggie Went a Courtin’